8 mai 2024

Par DANIEL ESSIET 

Les défis posés par le déclin de la fertilité des sols représentent des enjeux importants pour de nombreux pays africains, dont le Nigeria, notamment en raison de la croissance démographique prévue sur le continent. Avec une population qui devrait atteindre 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050, l’Afrique connaîtra une hausse de sa consommation alimentaire, ce qui rendra encore plus vulnérables les systèmes agricoles du continent déjà en proie à d’immenses difficultés. En réponse à ces défis pressants, les campagnes et les initiatives visant à améliorer la fertilité des sols et préconisant des pratiques agricoles durables et la réduction des impacts sur l’environnement, prennent de l’ampleur.

Lors du lancement et de la commémoration de la 14e Journée africaine de la sécurité alimentaire et nutritionnelle (ADFNS) et de la 19e plateforme de partenariat du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) en Zambie l’année dernière, Mme Estherine Lisinge-Fotabong, directrice en charge de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et de la durabilité environnementale à l’Agence de développement de l’Union africaine-NEPAD (ADUA-NEPAD), a souligné la nécessité absolue d’accélérer le commerce alimentaire intrarégional, de renforcer la sécurité alimentaire et de stimuler la croissance économique à travers le continent.

Mme Lisinge-Fotabong a également souligné l’importance de promouvoir la culture et la consommation de produits alimentaires locaux pour lutter contre la faim et la malnutrition en Afrique. Toutefois, elle a reconnu que la nutrition et la sécurité alimentaire demeuraient précaires en raison de diverses vulnérabilités du continent, notamment les chocs induits par le changement climatique, les conflits en cours et les fluctuations des prix mondiaux des denrées alimentaires. L’agriculture est l’activité économique la plus importante sur le continent puisqu’une grande partie des Africains en dépendent pour leur subsistance. Cependant, la forte augmentation de la population et la raréfaction des terres arables exercent une pression considérable sur les sols et rappellent le besoin vital de maintenir la fertilité des sols afin d’atténuer les risques d’insécurité alimentaire.

Mme Estherine Lisinge-Fotabong, directrice en charge de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et de la durabilité environnementale, Agence de développement de l’Union africaine -NEPAD (ADUA-NEPAD)

Au fil du temps, l’Afrique a connu une baisse de la fertilité des sols, avec des conséquences majeures pour des pays tels que le Nigéria. Les communautés affectées par la dégradation des sols sont plus vulnérables aux effets du changement climatique, notamment la sécheresse et les inondations, ce qui exacerbe les défis en matière d’adaptation et de résilience. Conscients de l’urgence de la situation, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Institut nigérian de sciences du sol (NISS) et la Société nigériane de science du sol ont tous souligné la nécessité de lutter contre la dégradation des sols dans le pays. Ces groupes ont mis l’accent sur la nécessité de préserver la fertilité et la santé des sols car les sols constituent la base de la production alimentaire et sont de plus en plus fragilisés par le changement climatique et les activités humaines.

 

Selon les données de la FAO, environ 33 % des zones agricoles du Nigeria ont déjà été touchées par la détérioration des sols, qui résulte du compactage, de l’acidification, de la salinisation, de l’érosion, de la perte de carbone organique et de biodiversité, ainsi que du déséquilibre nutritif. Selon les analystes, la baisse de la fertilité des terres arables, notamment dans les régions de production clés, représente une menace imminente pour le secteur agricole si rien n’est fait pour y remédier. En réponse, les campagnes actuelles visent à encourager les agriculteurs à adopter les meilleures pratiques pour l’enrichissement des sols à long terme. La baisse de la fertilité des sols, notamment dans la région du nord, constitue une grave menace pour la sécurité alimentaire du pays. Pour réduire la dégradation des sols, des organisations telles que l’association Sasakawa Africa (SAA) soutiennent activement les agriculteurs du Nord du pays en vue d’améliorer la santé des sols et la productivité agricole.

L’histoire remarquable de Abdulmumini Adamu témoigne du pouvoir de transformation de l’agriculture de conservation (AC) et de la gestion intégrée de la fertilité des sols (GIFS) chez les petits agriculteurs nigérians. Grâce à la diminution du travail du sol et d’autres pratiques agricoles durables, M. Adamu a non seulement augmenté de manière significative le rendement de ses cultures, mais également réussi à réduire ses dépenses de main-d’œuvre.

Grâce au programme complet de formation de l’association Sasakawa Africa (SAA), M. Adamu a mis en œuvre avec succès des techniques telles que le travail minimum du sol, le paillage, la rotation des cultures et le compostage. Ces pratiques ont non seulement permis de réduire de 85 % les coûts de main-d’œuvre, mais également d’augmenter de 50 % le rendement des cultures. Ces gains remarquables peuvent s’expliquer par l’amélioration de la santé des sols et de la rétention de l’humidité facilitée par l’application des méthodes GIFS et AC.

Les travaux de recherche du Dr Shamie Zingore, directeur de la recherche et du développement à l’Institut africain de la nutrition végétale (APNI), basé au Maroc, jouent un rôle central pour ce qui est de relever les défis auxquels sont confrontés les petits agriculteurs en Afrique. On estime que 33 millions de petits agriculteurs font face à des obstacles tels qu’une faible productivité et un accès limité aux techniques agricoles modernes. Les travaux de recherche du Dr Zingore revêtent une importance capitale pour l’amélioration de la santé des sols, l’augmentation des rendements agricoles et, en fin de compte, l’amélioration de la nutrition humaine. Grâce à des initiatives de recherche innovantes, le Dr Zingore et son équipe contribuent aux progrès réalisés dans les pratiques agricoles qui favorisent la durabilité et la prospérité des petits agriculteurs du continent.

Dr. Shamie Zingore, Director of Research, APNI

Selon le Dr Zingore, la faible fertilité naturelle et l’insuffisance des efforts de conservation des sols ont fait de l’Afrique subsaharienne (ASS) l’une des régions du monde où les sols sont les plus dégradés. Il a souligné que la capacité du continent à se nourrir est sérieusement compromise par la perte annuelle de nutriments du sol, évaluée à plus de 4 milliards de dollars. Il a indiqué que pour résoudre correctement les problèmes d’insécurité alimentaire en Afrique, les technologies de gestion des sols et des éléments nutritifs doivent trouver un équilibre entre l’augmentation de la production agricole et l’amélioration de la fertilité des sols. L’APNI, où il travaille, poursuit une initiative de gestion des éléments nutritifs 4R. Cette initiative est un cadre d’orientation des pratiques de gestion des éléments nutritifs en agriculture. Elle met l’accent sur l’application de la bonne source d’éléments nutritifs, au bon taux, au bon moment et au bon endroit. Selon lui, il est essentiel de relever les défis toujours plus importants en matière de fertilité des sols pour assurer une agriculture durable et la sécurité alimentaire, notamment en Afrique, où les petits agriculteurs dépendent fortement de la productivité de leurs terres. Il a fait remarquer : « Nous vivons une période très importante pour l’agriculture africaine, car le continent est confronté à une myriade de défis liés à une agriculture non durable, y compris une productivité agricole chroniquement faible et une malnutrition humaine, dont on estime qu’elle affecte sérieusement au moins 20 % de la population africaine.

L’un des principaux défis auxquels l’Afrique est confrontée est d’assurer la sécurité alimentaire d’une population croissante. Reconnaissant le rôle crucial que jouent les engrais et la santé des sols dans la résolution de ce problème, l’Union africaine (UA) a lancé un plan d’action décennal qui témoigne d’un engagement à long terme à relever ces défis et à investir dans des pratiques agricoles durables. L’Union africaine a donc réuni en mai 2024 les chefs d’État, les ministres et les partenaires du développement agricole en Afrique dans le cadre du Sommet africain sur les engrais et la santé des sols (#AFSH), tenu à Nairobi, au Kenya dans le but de lancer un plan d’action décennal pour les investissements associés. Le lancement du plan d’action démontre l’engagement de l’Afrique à trouver des solutions locales aux défis locaux.

Il a fait remarquer : « L’AFSH s’appuiera sur le plan d’action décennal pour identifier les principaux domaines critiques d’investissement dans les politiques et les marchés, mais aussi dans les technologies essentielles à la gestion durable de la nutrition des plantes et de la santé des sols sur le continent. Ces objectifs seront étayés par un soutien rapide au renforcement des capacités de recherche et de vulgarisation afin de garantir que les connaissances générées sont à la fois pertinentes et pratiques pour les agriculteurs africains et se traduisent par des solutions évolutives pour une amélioration durable de la productivité agricole en Afrique.

Le Dr Wole Fatunbi, en sa qualité de directeur par intérim de la recherche et de l’innovation au Forum pour la recherche agricole en Afrique (FARA), joue un rôle essentiel dans la conduite d’initiatives de recherche et d’innovation pour répondre à la question pressante liée à la baisse de la fertilité des sols. Son plaidoyer en faveur de la protection de la fertilité des sols et de la promotion de meilleures pratiques d’utilisation des terres est indispensable pour favoriser l’agriculture durable, notamment en Afrique où la majeure partie de la population vit de l’agriculture. Le Dr Fatunbi dirige les efforts visant à mieux faire comprendre au public la santé des sols, en défendant les méthodes agricoles durables qui permettent de préserver la fertilité des sols et en faisant la promotion des cadres stratégiques qui accordent la priorité aux projets de conservation des sols. Ses responsabilités multiples comprennent la réalisation d’études pionnières pour démêler les complexités de la dynamique des sols, la promotion de l’échange de connaissances entre les parties prenantes et l’influence des décisions politiques pour intégrer les considérations relatives à la santé des sols dans les stratégies agricoles.

Le Pr Wole Fatunbi, Directeur par intérim de la recherche et de l’innovation du FARA lors du Sommet africain sur les engrais et la santé des sols (#AFSH24)

Compte tenu de la croissance démographique en Afrique et des pressions de plus en plus fortes exercées sur ses systèmes agricoles, le Dr Fatunbi a souligné le besoin impératif d’une action concertée. Il a également souligné l’importance de forger des partenariats entre les agriculteurs, les chercheurs, les décideurs et autres parties prenantes en vue de mettre en œuvre des stratégies efficaces pour préserver la santé des sols. Grâce à son leadership et à ses activités de plaidoyer, le Dr Fatunbi contribue à façonner un paysage agricole plus résilient et plus productif sur le continent africain.

Selon le Dr Fatunbi, la salinisation des sols devient une préoccupation majeure en Afrique. Il a fait remarquer : « Cela devient une réalité en Afrique où la proportion de sols à forte teneur en sel se rapproche d’un seuil critique. L’Afrique détiendrait 60 % des terres arables non utilisées dans le monde. Les terres arables sont des terres dont les propriétés complémentaires conviennent à la culture et à l’élevage. Elles sont immobilisées dans les colloïdes du sol en raison de la présence de concentrations plus élevées d’autres éléments nutritifs.

 

 

 

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