2 avril 2025
Bridget Kakuwa-Kasongamulilo et Benjamin Abugri
Nairobi, Kenya – mars 2025
L’Afrique de l’Est a récemment accueilli un événement marquant qui a insufflé un nouveau dynamisme et une nouvelle orientation à la transformation agricole dans la région grâce à l’agroécologie. La deuxième conférence sur l’agroécologie en Afrique de l’Est (2025, EAAC25) s’est tenue du 25 au 28 mars 2025 au Argyle Grand Hotel, situé juste en face de l’aéroport international Jomo Kenyatta (JKIA) à Nairobi. Organisée par le Biovision Africa Trust, la conférence a rassemblé des acteurs clés de la région et d’ailleurs pour étudier les possibilités d’exploiter l’agroécologie dans le but d’établir des systèmes agroalimentaires résilients, durables et inclusifs.
L’EAAC25, qui était placée sous le thème « Renforcer la transformation des systèmes agroalimentaires pour la résilience, la durabilité et le développement socio-économique », proposait des séances en salle, des excursions sur le terrain, des expositions et une participation hybride comprenant des sessions en personne et des sessions retransmises en direct. L’évènement a suscité des discussions et un engagement en faveur de l’investissement dans des solutions à long terme respectueuses de l’environnement pour remplacer des pratiques non durables en matière de systèmes alimentaires.
L’un des moments les plus marquants de la conférence a été la table ronde régionale sur les politiques, qui s’est tenue le 25 mars 2025 sous forme d’évènement parallèle organisé par les partenaires du consortium PDDAA-XP4, sous la direction de l’ASARECA et en collaboration avec le FIDA. La table ronde était coordonnée par le groupe de travail technique sur les politiques du PDDAA-XP4 et portait principalement sur le renforcement de l’intégration de l’agroécologie dans le processus post-Malabo du PDDAA.
Le Pr Cliff Dlamini, Directeur exécutif du CCARDESA a dans son discours d’ouverture, souligné la nécessité d’intégrer l’agroécologie dans les politiques et les pratiques. « L’agroécologie n’est pas seulement une approche, elle est indispensable à la transformation des systèmes alimentaires de l’Afrique. Nous devons renforcer la capacité des décideurs à comprendre ses avantages et à harmoniser les opinions régionales en vue de réaliser les engagements pris dans le cadre du PDDAA » a-t-il indiqué.
La représentante de la Direction générale des Partenariats internationaux de la Commission européenne (EC-DG-INTPA), Marion Michaud a réaffirmé l’engagement de la Commission en faveur du processus du PDDAA. Elle a fait observer que la Commission avait suivi de près et appuyé les initiatives agricoles en Afrique, y compris le projet de Réseau régional de recherche multi-acteurs (RMRN) qui s’inscrit dans le cadre du PDDAA-XP4. « Nous félicitons la Commission de l’Union africaine (CUA) et les États membres pour leur engagement sans faille envers le PDDAA. L’agroécologie exige la collaboration de tous les acteurs (gouvernements, organisations paysannes, universités, société civile et secteur privé) pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle » a indiqué la représentante de l’INTPA.
- Chiluba Mwape de la Commission de l’Union africaine (CUA) a souligné que la Commission créait un environnement propice à la mise en œuvre du PDDAA et considérait l’agroécologie comme un moyen de renforcer la résilience. « L’agroécologie est indispensable au renforcement des systèmes agroalimentaires et à l’accroissement de la capacité d’adaptation. Nos politiques, y compris le cadre du PDDAA et le Plan d’action de Nairobi pour les engrais et la santé des sols, reflètent cette priorité » a indiqué le représentant de la CUA. M. Chiluba a également souligné l’importance du plaidoyer et de la gouvernance et a recommandé une révision des politiques afin de mieux intégrer les principes de l’agroécologie.
Mme Mutinta Nketani a présenté les principaux points d’entrée pour l’intégration de l’agroécologie dans la stratégie du PDDAA post-Malabo. Elle a souligné la nécessité d’un dialogue de haut niveau avec la Commission de l’Union africaine, d’une inclusion de l’agroécologie dans les PNIA et dans l’examen biennal du PDDAA ainsi que d’une cohérence des politiques dans les cadres nationaux tels que les CDN, les SPANB et l’approche systèmes alimentaires. Elle a plaidé en faveur du renforcement des capacités des décideurs, d’un plaidoyer accru au niveau local et d’une harmonisation des efforts de la société civile. « Nous devons nous demander ce que signifie réellement la transformation, et pour qui » a-t-elle ajouté. Elle a préconisé une bonne intégration de l’agroécologie dans les politiques nationales ainsi qu’un financement adéquat.
La table ronde a donné lieu à des discussions animées sur des questions telles que la propriété foncière. Les participants ont plaidé en faveur d’une harmonisation des politiques foncières et de l’amélioration de l’accès des petits agriculteurs au financement et aux marchés. Ils ont également souligné l’importance de l’assurance agricole et de l’intégration des indicateurs agroécologiques dans les cadres de suivi et de mise en œuvre du PDDAA.
Le représentant du FIDA, Fenton Reed a souligné l’importance de documenter et de présenter les exemples de réussite ainsi que de promouvoir la cohérence des politiques aux niveaux national et régional. Les participants ont reconnu que les gouvernements s’étaient engagés à adapter au niveau local les résultats du Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires (UNFSS) et ont souligné la nécessité d’assurer un engagement inclusif des parties prenantes, notamment des femmes, des jeunes, des producteurs et des consommateurs. Un participant a souligné « qu’il était essentiel que les femmes, les jeunes, les producteurs et les consommateurs participent à cette transition ».
Une participante d’Action Aid a indiqué que « le régime foncier restait une question essentielle dans la promotion de l’agroécologie. Lorsque les collectivités collaborent, il y a moins d’accaparement des terres et un accès plus équitable aux ressources. Toutefois, pour réaliser de réels progrès, nous devons mettre en place des politiques de soutien telle que l’assurance foncière qui protège particulièrement les jeunes et les femmes, qui représentent plus de 70% de la main d’œuvre agricole. Des droits fonciers garantis, notamment pour les jeunes et les femmes sont indispensables pour mettre en place des systèmes alimentaires résilients, inclusifs et durables, fondés sur les principes de l’agroécologie.
- Alex Mutungi a indiqué que l’agroécologie commençait à être prise en compte dans les plans nationaux d’investissement agricole, de la santé des sols aux pratiques agricoles, mais qu’il restait encore beaucoup à faire. Nous devons adopter des indicateurs quantifiables, renforcer les capacités, de la base jusqu’au niveau des politiques et nous assurer que nos dirigeants comprennent la valeur de l’agroécologie. Il existe des points d’entrée stratégiques ; des politiques appropriées et un financement adéquat permettront de mettre à l’échelle l’agroécologie et d’ouvrir de nouveaux marchés, plus équitables pour nos agriculteurs.
Enfin, le Pr Raymond Auerbac a expliqué que le processus du PDDAA avait été difficile parce qu’il avait été précipité et n’avait pas réussi à intégrer l’agroécologie. Nous avons ignoré l’importance de la sécurité alimentaire, des connaissances culturelles et des systèmes résilients. L’agroécologie nous donne l’occasion de rétablir les systèmes alimentaires traditionnels, de réduire les dépenses de santé et de créer des moyens d’existence durables, surtout si nous faisons appel aux jeunes et repensons notre façon de gérer les terres et l’alimentation.
La table ronde s’est terminée avec l’élaboration d’un projet de feuille de route et d’un cadre de suivi et évaluation pour appuyer l’intégration de l’agroécologie dans la stratégie et le plan d’action post Malabo que M. Moses Odeke, chef des programmes par intérim à l’ASARECA a communiqués. Il s’agit d’un moment clé pour la collaboration, le partage des connaissances et la planification stratégique qui renforce l’engagement du PDDAA-XP4 et de ses partenaires en faveur des systèmes alimentaires durables en Afrique.
À la fin de l’évènement parallèle, les participants ont réaffirmé leur vision commune d’une transition agroécologique inclusive, pratique et solide, basée sur les priorités et les réalités africaines.
Source : CCARDESA




Leave A Comment